CE QUI DISTINGUE NOTRE PARTI: La ligne qui va de Marx à Lénin, à la fondation de l'Internationale Communiste et du Parti Communiste d'Italie (Livorno, 1921), à la lutte de la Gauche Communiste contre la dégénerescence de l?Internationale, contre la théorie du "socialisme dans un seul pays" e la contre-révolution stalinienne, et au refus des froints populaires et des blcs partisans et nationaux; la dure uvre de restauration de la doctrine et de l'organe révolutionnaires au contact de la classe ouvrière, en dehors de la politique personnelle et électoraliste.


Depuis ses origines et au cours d’une bataille vive et constante, livrée surtout contre les courants qui, tout en se réclamant du socialisme, le réduisaient en fait à l’embellissement des laideurs les plus frappantes du système capitaliste, sans en entamer les causes, le marxis-me a souligné le lien dialectique qui existe entre le mouvement économique et social et la lutte politique du prolétariat.

De ce rapport découle aussi la nécessité pour le mouvement prolétarien d’avoir une forme politique pour pouvoir affirmer son rôle historique d’agent d’un nouveau mode de produc-tion, le communisme. Mode dont les caractéristiques sont complètement antithétiques de celles du capitalisme, bien que se développant à partir de celui-ci. De là, aussi, la nécessité de la forme parti (grâce auquel, d’après le Manifeste de 1848 le prolétariat se constitue en une classe pour soi et agit en toute autonomie sur le plan historique en direction du communis-me), de la conquête par la violence du pouvoir et de l’exercice de la dictature du prolétariat comme moyens politiques nécessaires à l’émancipation économique et sociale du prolétariat l u i - m ê m e .

En écrivant le 23.XI.1871 à F.Bolte, représentant en Amérique de l’A.I.T (la première In-ternationale, fondée en 1864), Marx expose de manière définitive le lien entre l’action im-médiate et l’action politique de la classe ouvrière : “Le mouvement politique de la classe ou-vrière – écrit-il – a naturellement pour objectif final la conquête du pouvoir politique pour la classe ouvrière même, et c’est à cette fin qu’est naturellement nécessaire une organisation préalable de la classe ouvrière, parvenu à un certain degré de développement, qui naîtrait des luttes économiques même (historiquement s’entend, NdR). Mais d’autre part, tout mouvement par l’intermédiaire duquel la classe ouvrière comme classe s’oppose aux classes dominantes par une pression venant de l’extérieur est un mouvement politique. Par exemple, la tentative de contraindre les seuls capitalistes dans leurs seules usines ou mêmes dans leurs seuls secteurs d’activité par l’intermédiaires de grèves, … à accorder une diminu-tion de l’horaire de travail est un mouvement purement et simplement économique ; par contre le mouvement pour l’obtention d’une loi pour les huit heures journalières, … est un mouvement politique, c’est-à-dire un mouvement de la classe pour obtenir ses buts écono-miques sous une forme globale, une force socialement coercitive. S’il est vrai que ces mou-vements supposent une certaine organisation préexistante, ils représentent dans le même temps un stimulus pour le développement de cette organisation. Si la classe ouvrière n’a pas encore assez progressé dans son organisation pour entreprendre la lutte décisive contre le pouvoir collectif, c’est à dire le pouvoir politique des classes dominantes, elle doit au moins être éduquée par l’intermédiaire de l’agitation constante contre la politique des classes do-minantes (et son attitude hostile à la politique). Sinon elle demeure un instrument dans ses mains, comme l’a démontré la révolution de Septembre en France, et comme le montre en partie le jeu qui réussit aujourd’hui à M.Gladstone et Cie.” (1)

Marx insiste sur ces deux concepts de base : la nécessité préventive de l’organisation poli-tique de la classe ouvrière, de son parti, pour qu’elle puisse agir sur le plan historique pour ses buts propres (conquête du pouvoir politique, mise à bas du système bourgeois) en agissant comme classe pour elle-même et non pour le capital, et le rapport nécessaire entre le déve-loppement des luttes revendicatives et l’action politique du prolétariat comme classe.

Et c’est justement pour river ces clous que la Gauche a précisé que « dans toutes les pers-pectives de tous les mouvements révolutionnaires généraux ces facteurs fondamentaux ne peuvent pas ne pas être présents : 1) Un large et nombreux prolétariat constitué de purs sa-lariés ; 2) Un grand mouvement d’associations au contenu économique au sein duquel mili-te une minorité de travailleurs révolutionnaires et dans lequel le déroulement de la lutte permette d’opposer valablement et largement son influence dans le mouvement syndical à celui de la classe et du pouvoir bourg e o i s » (2). Si la classe ouvrière peut spontanément, pré-cise Lénine (3), parvenir seulement à une “conscience” trade-unioniste, l’action économique du prolétariat constitue une base essentielle pour le parti, qui peut féconder cette action en la dirigeant aussi bien pour les revendications immédiates, que pour établir le lien entre celles-ci et les revendications finales du prolétariat, en incluant la lutte contre l’influence sur les directions de la bourgeoisie et de l’opportunisme.

Dans un de nos textes publiés dans le n°6 de 1969 “Spontanéité ouvrière et Parti de clas-se”, en reprenant une lettre de Marx à Scheitzer du 13/II/1865, nous écrivions :

Une classe est une force sociale qui peut se définir seulement comme une unité collective, à travers son action dans la dynamique historique. Le prolétariat est révolutionnaire ou n’est pas, disait Marx. Il existe comme classe seulement s’il agit comme classe, en tendant à réali-ser ses objectifs de classe… La vraie “spontanéité” historique du prolétariat c’est le Parti, dans le sens où il est un produit du développement historique qui a produit le prolétariat ,et en même temps un produit de la lutte des classes à un stade déterminé de son développe-ment. Mais une fois que la lutte des classes a produit cette conscience historique du prolé-tariat, elle apparaît dans toutes les luttes partielles comme provenant de l’extérieur”.

Le Parti ne peut certainement pas susciter les luttes économiques, qui sont un produit in-contournable des contradictions économiques et sociales du système capitaliste, fondé sur le capital, et donc sur l’opposition entre le capital et le travail salarié qui le conserve et qui le va-lorise. Mais le Parti doit pénétrer ces luttes pour les diriger et en élargir la portée, en ne ces-sant jamais d’indiquer les limites des seules revendications et des acquis économiques qui tôt ou tard sont réduits ou annihilées par la réponse bourgeoise. Ce n’est pas par hasard que Marx écrivait dans le M a n i f e st: «… de temps en temps, ce sont les ouvriers qui l’emportent ; mais seulement d’une manière temporaire. Le vrai et juste résultat de leurs luttes n’est pas le succès immédiat, mais le fait que l’union des ouvriers progresse de plus en plus ». Mais le Parti espère que, des luttes ouvrières que l’évolution catastrophique que la crise engendre-ra, naîtra l’extension de son influence. Et non pas bien sûr sa formation qui est déjà advenue, et dont les principes ne se “marchandent” ni aujourd’hui ni demain, en échange de raccour-cis historiques ou de substituts au parti, tous impuissants.

Se trouver demain à la tête de la classe ouvrière signifie dès aujourd’hui le refus pour le

34

mouvement révolutionnaire de l’ “ouvriérisme”, de la ‘catégorisation sociologique’ de la classe ouvrière, du “marais” – selon les mots de Lénine.

Le marxisme a toujours du lutter, en outre, contre une autre déviation, l’anarchisme im-médiatiste, qui dévaluait elle aussi, avec la lutte politique du prolétariat, le rôle et la nécessité de son parti. A l’apolitisme prôné par les anarchistes, contre les positions desquels fut enga-gée la bataille théorique et politique menée par le Conseil Général de l’Internationale, Marx a répondu dès ses écrits contre Proudhon : “Ne dites pas que le mouvement social n’est pas lutte politique.”

L’apolitisme signifie dans les faits une soumission à l’économie et à la politique bourg e o i-se et maintient cette soumission même quand elle naît de réactions spontanées contre les po-litiques bourgeoises et de compromission des syndicats. Marx et Engels auparavant, Lénine et la Gauche ensuite insistent sur la nécessité du caractère politique des luttes revendicatives et de l’existence de syndicats qui ne soient pas indépendants ‘en soi’ mais indépendants de la politique et des partis bourgeois (4).

C’est grâce à sa domination politique que la bourgeoisie soumet le prolétariat, c’est seule-ment en jetant à bas cette domination et en instaurant sa dictature que le prolétariat pourra briser la domination du capital et mettre en marche une économie tournée vers l’org a n i s a-tion systématique de la production à des fins sociales et à la suppression de tout privilège de c l a s e .

L’action politique du prolétariat, la conscience de sa nécessité et de la direction du Parti de classe se développent à partir des luttes économiques. Non pas parce que celles-ci contiennent – pas même à un état embryonnaire – la conscience de la finalité historique, ni parce que le mouvement ouvrier pourrait acquérir une vision de ses propres finalités histo-riques de façon autonome. Mais parce que les faits matériels imposeront la nécessité de la rencontre avec le Parti de classe après s’être chargés de démontrer la validité éphémère de toutes les concessions bourgeoises et des conquêtes ouvrières du passé. C’est dans ce cycle que le niveau trade-unioniste sera d’abord atteint puis bousculé. Par des luttes économiques et sociales que la crise étend quantitativement et qu’ensuite, avec l’intervention du Parti, el-le transforme qualitativement en luttes politiques.

Dans cette optique Engels, écrivant à Sorge le 8/II/1890, pouvait dire que : « Si l’on veut un mouvement de masse, il faut commencer en tout premier lieu avec les syndicats », en ob-servant : « Ce sont les faits qui doivent faire entrer les choses dans la tête des gens, alors les choses iront vite, certainement plus vite que là où, comme en Allemagne, un secteur du pro-létariat organisé et théoriquement préparé est déjà présent … Mais ici aussi (en Angleterre, NdR) le terrain avait été préparé par les diverses agitations des huit dernières années, au point que les gens aussi, sans être socialistes, voulaient pourtant comme dirigeants seule-ment des socialistes. Maintenant, sans qu’ils ne s’en aperçoivent, ils sont en train de venir sur la route théoriquement juste, ils s’y jettent (mieux : on les y pousse) … » (5)

Dans le paragraphe qui conclut “Misère de la philosophie” Marx rappelle à Proudhon et aux Proudhoniens à venir : «La condition pour l’affranchissement de la classe des travailleurs est l’abolition de toutes les classes, de même que la condition pour l’affranchissement du “Tiers-état”, de l’ordre

bourgeois avait été l’abolition de tous les “états”, et de tous les ordres. La classe des tra-vailleurs substituera, au cours de son développement, à l’ancienne société civile une associa-tion qui exclura les classes et leurs antagonismes, et il n’y aura plus de pouvoir politique proprement dit, puisque le pouvoir politique est précisément la synthèse officielle de l’an-tagonisme de la société civile.

En attendant, l’antagonisme entre le prolétariat et la bourgeoisie est une lutte d’une clas-se contre une autre, lutte qui, poussée vers sa plus haute expression, est une révolution tota-le. D’autre part, ne faut-il pas s’étonner de voir qu’une société basée sur l’opposition des classes mette en avant les contradictions brutales, le choc au corps à corps comme étant sa conclusion ultime ?

Il ne faut pas dire que le mouvement social exclut le mouvement politique. Il n’y a jamais de mouvement politique qui ne soit social dans le même temps. C’est seulement dans un ordre de choses où il n’y aura plus ni classe ni antagonisme de classes que les évolutions so-ciales cesseront d’être des révolutions politiques. Jusque là, à la veille de chaque transforma-tion générale de la société, le dernier mot de la science sociale sera toujours : le combat ou la mort ; la lutte sanglante ou le néant » .

C’est ainsi, inexorablement, qu’est posé le problème.

Dans ce Ième Mai où “le cadavre marche toujours” et s’alimente de joyeux et pacifiques défilés syndicaux et où, en plus, revient sans cesse la drogue du crétinisme démocratico-par-lementaire injecté à doses massives à un prolétariat de plus en plus résigné (et jeté au des-sous de son niveau trade-unioniste minimum, qui pourtant constitue une “école de guerre” pour l’armée unitaire des prolétaires, avec ou sans emploi, du monde entier). Tandis que la crise économique bouscule les certitudes d’assistance et de prévoyance que l’opportunisme donnait pour définitivement acquises et défendables par les seules médiations parlemen-taires. Tandis que par ailleurs du sous-sol économique mondial surgissent de nouvelles occa-sions de conflits dans lesquelles la classe ouvrière se bat, généreusement mais de manière dispersée, contre le capital international. Et que pointent déjà – entre les chocs commer-ciaux et monétaires et sur les divers fronts de guerre qui s’ouvrent ça et là – les lueurs mê-me faibles d’un troisième conflit inter-impérialiste dont le régime bourgeois a besoin pour relancer son accumulation. Le Parti lui ne cesse de répéter qu’il y a nécessité d’utiliser toutes les possibilités et toutes les luttes que la situation sociale suscite pour continuer à effectuer un patient travail de coordination entre les revendications immédiates et les objectifs généraux et ultimes du mouvement prolétarien !

Il s’agit du travail permanent à travers lequel la théorie communiste est apportée de l’ex-térieur dans les rangs de la classe ouvrière, même si c’est seulement lors de mouvements his-toriques déterminés que l’on peut trouver le terrain adéquat pour en récolter les fruits. En fait, “la classe ouvrière mondiale, en revenant sur la grande route, verra à temps la solidarité de classe des deux adversaires (fascisme et anti-fascisme, tous les deux bourgeois et anti-pro-létaires –ndr) contre elle, et elle répondra avec Marx que le prolétariat a une fonction poli-tique, et que cette fonction est révolutionnaire, en y ajoutant le mot d’ordre de Lénine : “c’est la révolution qui doit servir le prolétariat, et non le prolétariat qui doit servir la révo-l u t i o n ” . « Et pour les alliés de l’Est et de l’Ouest, en uniforme ou sans uniformes, il – le prolétariat – ne marchera finalement pas ». (6)

1. Marx et Engels, Œuvres, vol. XLIV.

2. Voir “Parti révolutionnaire et action économique”, in Parti et classe, Editions Programme commu-n i s t e .

3. Voir “Que faire ?”: “La conscience politique de classe peut être apportée aux ouvriers seulement à l’extérieur de la sphère formée entre ouvriers et patrons”.

4. Cf. texte de 1949 : Mouvement social et lutte politique.

5. Marx-Engels, Œuvres complètes, XLV I I

6. Mouvement social et lutte politique, cit.

Parti communiste international

(Internationalist Papers - Cahiers Internationalistes - Il Programma Comunista)

We use cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site web. Certains d’entre eux sont essentiels au fonctionnement du site et d’autres nous aident à améliorer ce site et l’expérience utilisateur (cookies traceurs). Vous pouvez décider vous-même si vous autorisez ou non ces cookies. Merci de noter que, si vous les rejetez, vous risquez de ne pas pouvoir utiliser l’ensemble des fonctionnalités du site.