CE QUI DISTINGUE NOTRE PARTI: La ligne qui va de Marx à Lénin, à la fondation de l'Internationale Communiste et du Parti Communiste d'Italie (Livorno, 1921), à la lutte de la Gauche Communiste contre la dégénerescence de l?Internationale, contre la théorie du "socialisme dans un seul pays" e la contre-révolution stalinienne, et au refus des froints populaires et des blcs partisans et nationaux; la dure uvre de restauration de la doctrine et de l'organe révolutionnaires au contact de la classe ouvrière, en dehors de la politique personnelle et électoraliste.


L’une de thèses carctéristiques de l’idéologie dominante capitaliste est celle qui considère (ou mieux, qui voudrait considérer) “éternel” l’actuel système de vie et de production. Selon cette thèse, ce système serait le dernier résultat définitif du développement millénaire de l’histoire humaine, qui est désormais arrivée à un niveau de “civilisation”qui ne devrait être seulement qu’amélioré sans rien altérer des rapports sociaux et économiques sur lesquels el-le est fondée. Le marché et la monnaie, les marchandises et le travail salarié seraient donc des catégories “naturelles” de l’homme (rebaptisé pour ce motif “œconomicus”), perfectionnées de plus en plus jusqu’à atteindre la forme la plus complète et rationnelle d’aujourd’hui. Juste comme émanation de la domination économique et politique de la classe dominante, cette fausse représentation envahit toutes les couches de la population. Il s’ensuit que cette idée d’”éternité” du monde capitaliste et de ses “catégories” est continuellement proposée à toutes les sauces, dans le but de renforcer le contrôle et le désarmement du prolétariat: c’est-à-dire de cette classe sur laquelle appuie toute la puissance économique et sociale de la do-mination bourg e o i s e . En effet, alors que dans la réalité, la richesse se matérialise dans un produit social créé par l’activité humaine et sa puissance (dans laquelle on fait rentrer aussi le travail des généra-tions passées et à laquelle appartient le développement des forces productives), le capital s’approprie de façon mystificatrice cette puissance, en se qualifiant comme “productif”. Il arrive donc que “le mécanisme de la société présente et le poids des idées traditionnelles qui l’infestent portent vainement à croire que les forces productives soient des propriétés inhé-rentes au capital. Par conséquent, le caractère social et moderne de la grande production so-ciale, avec son rendement qui a éclipsé celui des plus pauvres formes passées, est attribué à une puissance du capital au lieu de la puissance collective du travail humain”(1).

Le communisme est mort?

La chute du mur de Berlin et l’explosion de l’Union Soviétique et de l’alliance d’États ci-mentés autour d’elle (la première conséquence générale d’une crise historique du système ca-pitaliste, qui a commencé au milieu des années 70 et qui avant a frappé ses anneaux les plus faibles) avaient servi au beau jeu bourgeois de soutenir la thèse fondamentale de l’éternité du capitalisme: le “communisme” était mort (par décret journalistique! comme il avait été “créé”, en négligeant – ici peu importe par ignorance ou par calcul – le petit fait que le com-munisme est la négation totale des caractéristiques de l’économie bourgeoise!) et la route était libre pour l’affirmation universelle de la Démocratie et de la Liberté, du Bien-être et de la Paix, véhiculés par les commerces pacifiques et par le marché mondial.

L’opportunisme gauchisant se joignit rapidement au chœur, en changeant partout les noms et les insignes, en se remaquillant sans façon pour pouvoir continuer à exercer toujours le même fétide métier: au service de la conservation bourgeoise parmi les rangs d’un prolétariat tellement drogué, désorienté et désarmé, incapable de défendre ses propres conditions de vie, au moment précis où le capital commençait, de façon non homogène ou linéaire, à se dé-c h a rger du coût de la crise. Jamais une thèse eut un démenti plus accéléré! Les faits matériels confirmèrent vite, non seulement qu’aucun (i n e x i s t a n t!) communisme n’était mort, mais aussi que l’impossibilité b o u rgeoise d’expliquer les phénomènes qui secouent le monde actuel, dans l’histoire com-me dans la nature, en dépit des moyens dont la bourgeoisie dispose, réside en la nature p a r a -s i t a i r e et donc s u p e r f l u e de cette classe; et cette impossibilité renvoie au fait que les rapports so-ciaux bourgeois entravent désormais, aussi bien le développement ultérieur des forces pro-ductives que surtout les nécessités d’une organisation rationnelle et consciente de l’espèce humaine en général. La “déification” des catégories qui expriment les relations bourgeoises est à la base de la dé-claration indirecte de “l’éternité” du système bourgeois, par ses partisans déclarés comme par les théoriciens des partis opportunistes et des classes moyennes. Cette “déification” se ré-sume dans la domination de la classe bourgeoise au niveau de superstructures idéologiques et du consentement de l’opinion. D’ici vient la nécessité pour le Parti Communiste de condui-re de façon intransigeante la lutte théorique. La théorie, qui naît pendant des époques déter-minées comme le programme historique d’émancipation d’une classe, est en effet une véritable ar-me, une force sociale qui s’empare des masses au moment où elles sont en mouvement. La possibilité de soutenir “constamment l’intérêt du mouvement global, à travers les diffé-rentes phases de développement parcourues par la lutte entre le prolétariat et la bourg e o i-sie” est justement liée indissolublement “à l’avantage” théorique des communistes, qui leur permet “de comprendre les conditions, le cours et les résultats généraux du mouvement pro-l é t a r i e n ” . ( 2 ) En général, comme Marx répétait à propos de Proudhon, l’incapacité de comprendre les mé-canismes et les lois de développement de l’économie capitaliste et de la situation sociale est à la base de théories philosophiques absurdes et idéalistes.(3) Au contraire, la scientificité re-présentée par le matérialisme dialectique a ses bases dans le fait que “les causes décisives de chaque changement social et de chaque bouleversement politique doivent être cherchées non dans la tête des hommes, dans leur croissante connaissance de la vérité éternelle et de la justice éternelle, mais dans les changements du mode de production et d’échange; elle doi-vent être cherchées non dans la philosophie mais dans l’économie de l’époque qu’on consi-d è r e ” . ( 4 ) La lutte contre les apologistes du capitalisme comme “le meilleur des mondes possibles” (ainsi que la lutte contre les réformistes petit-bourgeois, partisans d’un capitalisme sans les scélératesses du capital) n’a jamais été seulement une bataille théorique: mais aussi, et essen-tiellement, l’occasion pour la vérification scientifique de la théorie relative au développement du

2

processus historique. Aujourd’hui, la thèse de Bastiat, théoricien de l’harmonie capitaliste, pour laquelle le capital est la puissance par excellence démocratique, philanthropique et égalitaire,(5) gît désormais ensevelie sous les décombres des contradictions capitalistes pen-dant la phase impérialiste: chômage, insécurité croissante, faim et misère s’accumulent d’un côté, surproduction, gaspillage, luxe inutile et trivial s’accumulent de l’autre côté, les deux produits par les lois de reproduction du capital à l’échelle de plus en plus étendue.

Les limites du capitalisme

Le capitalisme est désormais arrivé à sa phase impérialiste, monopolistique et parasitaire dans l’économie, réactionnaire dans la politique. Il a épuisé chaque fonction historique pro-gressive par la création du marché mondial et le remplacement de la dépendance personnel-le typique des rapports sociaux de l’époque féodale avec la dépendance économique propre des rapports bourgeois (même si, comme Marx et Engels observent, en réalité les individus sont moins libres puisqu’ils sont plus subordonnés à une force objective). Et enfin il se montre désormais incapable d’utiliser (comme capital) toute la masse de moyens de produc-tion créés et toute la capacité de travail existante: donc, de “diriger” les forces productives, dont le caractère social se heurte de plus en plus aux rapports étroits d’appropriation et d’échange bourg e o i s . Comme tous nos textes ont exemplairement montré depuis un siècle et demi, en effet, il est juste que ces forces productives pressent aujourd’hui pour s’affranchir de leur propre caractère de capital, pour dépasser les limites capitalistes, pour résoudre enfin la contradiction entre le caractère désormais social de la production et le caractère encore privé de l’appropriation ca-pitaliste du produit social. Pendant les crises qui périodiquement secouent le monde capitaliste, on voit l’absurdité d’une surproduction de marchandises et de capitaux à côté de la misère et de la dégradation de la masse croissante de la population mondiale. Ces crises représentent, comme nous l’avons déjà vu, d’un côté, autant de moyens de solution temporaire de la contradiction fon-damentale entre les forces productives et les rapports bourgeois (grâce à la destruction for-cée de forces productives), de l’autre côté, elles ne font que préparer d’ultérieures crises gé-nérales encore plus violentes, en diminuant en même temps les moyens pour les prévenir e l l e s - m ê m e s . ( 6 ) Au cours de ces crises, s’étend le phénomène de la centralisation: c’est-à-dire, la destitution et la ruine d’une multitude de capitalistes (surtout les petits et les moyens, mais les grands aussi), en faveur d’une minorité de plus en plus limitée de grands capitaux organisés sous forme de societés d’actions. Des données récentes (cf. Rapport Recherches et Études, juillet 1999) infor-ment qu’existent 241 groupes industriels et de l’énergie, desquels dépendent 34.000 entre-prises dans le monde entier, avec plus de 17 millions de travailleurs; les données informent en outre que la dimension moyenne des grands groupes a augmenté pendant la dernière décen-nie de 67% en Europe et USA et de 60% en Japon, grâce aussi à des vagues de fusions et

3

d’acquisitions qui se succèdent à une cadence impressionnante et à la croissante compéné-tration parmi les banques, les sociétés financières et les industries. La concentration augmente à l’échelle planétaire et elle est un produit de la dynamique in-térieure du développement du capital et une conséquence de sa crise. Elle ne fait qu’amplifier ces conséquences et en même temps étendre la soumission de l’État au capital, pendant qu’elle élargit les champs de l’intervention de l’État et le poids des grands États (en dépit de l’éphémère fractionnement géographique lié à la prolifération de micro-unités publiques formellement indépendantes). Enfin, la domination du capital financier étend et augmente les conflits parmi les États, inévitablement liés au partage impérialiste de la planète, aux in-évitables disproportions qui se réalisent parmi les capitaux et au changement de leurs relatifs rapports de force. En dépit du claironné progrès industriel et technologique, la charge du travail a augmenté dans son intensité, plus d’un milliard d’hommes sont sans travail ou sous-employés et beau-coup plus d’entre eux vivent sous la hache matérielle de la mort par faim ou par inanition. Donc, la misère des salariés a augmenté (une misère qui réside dans l’insécurité du lendemain et non dans un salaire plus ou moins bas). Et les contradictions du système capitaliste se sont intensifiées et universalisées par l’extension du marché mondial et des relations commer-ciales typiques de la propriété bourgeoise, c’est-à-dire de cet ensemble de relations sociales déterminées et historiquement spécifiques.

La condamnation historique du capitalisme

Dès l’introduction de la manufacture – comme Marx et Engels remarquaient -, le commerce as-sume une importance politique puisque les différentes nations entrent dans un rapport de concurrence et donc de lutte commerciale sur une grande échelle. À l’appui de cela, l’extension des “pacifiques” commerces a continuellement mis à l’ordre du jour les conflits et la destruction, la seule voie permise au capitalisme pour résoudre temporai-rement sa crise, en éliminant une partie de la surproduction qui l’étouffe et en permettant de soulever de nouveau le taux de profit qui est le ressort de tout le mécanisme de reproduction du capital. Les paix impérialistes qui suivent les guerres de la même nature ne sont pas moins destructives pour le prolétariat et elles représentent seulement des moments de trêve: des in-tervalles qui préparent de nouvelles et de plus intenses crises et guerres. Le capitalisme peut se conserver seulement en détruisant dans une mesure de plus en plus massive. Tout ça est dans la nature du capital. En parlant dans les G u n d r i s s e deladestructionpériodiquede capital, Marx notait – en confirmation de cela – le morceau suivant de l’économiste bourg e o i s Fullarton: “Une périodique destruction de capital est devenue une condition d’existence né-cessaire pour n’importe quel taux de profit courant, et de ce point de vue-là, ces terribles cala-mités que nous nous sommes habitués à attendre avec beaucoup d’inquiétude et d’appréhen-sion et que nous sommes si anxieux d’éviter, peuvent être rien d’autre que le naturel et néces-saire correctif d’une pléthorique opulence artificiellement gonflée, la vis mendicatrix avec la-quelle notre système social, tel qu’il est constitué actuellement, est capable de se libérer pério-diquement d’une pléthore qui revient toujours et qui en menace l’existence, et de racheter une solide et saine condition”.(7)

La crise historique du capital ne se matérialise pas seulement dans les indicateurs économiques de plus en plus asphyxiés et dans le croissant déséquilibre en faveur d’une minorité parasitaire et fainéante, qui (par les actions, qui sont des titres de “propriété” sur le travail d’autrui) s’appro-prie du produit social obtenu par l’utilisation de la capacité de travail salarié. Le capitaliste s’est désormais transformé en r e n t i e r et la bourgeoisie est à tous les effets une classe superflue. Cette crise se manifeste aussi dans l’impossibilité bourgeoise de contrôler les effets de la d é v a s t a t i o n del’environnementnaturel que sa soif de profit a produit. Par exemple, il peut arriver que, comme récemment, la température aux États-Unis s’élève à 40 degrés: et dans une certaine mesure ça peut être considéré comme un fait naturel; mais si elle provoque des dizaines de morts parmi les prolétaires et les gens les plus pauvres, cela devient un fait social, dont est responsable le capi-talisme avec son organisation fondée sur le profit et donc sur l’argent et la marchandise comme instruments de médiation des besoins sociaux.

En définitive, le capitalisme, dans sa folle course à l’accumulation sur une échelle de plus en plus grande, exalte de façon paroxystique le gâchis social, le gaspillage de ressources hu-maines et matérielles que l’activité humaine a produit. Ce gaspillage correspond à la “ratio-nalité” du capital, dirigé vers la production de capital et non de biens, de valeurs d’échange et non d’usage, obligé à faire des profits et non à satisfaire des besoins. C’est la condamnation historique du capital. Le but du capital est l’accumulation, la production de plus-value extorquée au travail vif so-cial employé et, par conséquent, la continuelle reproduction élargie des rapports capitalistes qui permettent cela (travail salarié, en premier lieu). Mais ses lois immanentes font en sorte que la continuation de l’accumulation devienne possible et profitable seulement au prix de des -tructions de plus en plus grandes (crises et guerres), qui permettent la dévalorisation de plétho-riques et excédentaires masses de capital constant précédemment produit (machines et ma-tières premières). Mais la dialectique de la reproduction élargie du capital produit en même temps les conditions de son dépassement et la base économique d’un supérieur et antithétique mode de production, le communisme. En accroissant les forces productives, le capital alimente et aug-mente la productivité sociale du travail. En même temps, toutefois, cette plus grande pro-duction en valeurs d’usage (= plus grande quantité d’un certain produit) se traduit dans une réduction de la valeur des marchandises d’une côté et du taux de profit de l’autre (rapport entre la plus-value et le capital total anticipé, c’est-à-dire p/c + v), comme conséquence de la réduction relative de l’avance en capacité de travail occupée par rapport aux autres moyens de production employés. Tout cela arrive parce que, pour chaque ouvrier employé, la part de surtravail croît par rap-port au travail nécessaire pour se reproduire – et donc au salaire – en diminuant la valeur (non le prix) des marchandises qui font partie de sa consommation personnelle. Le produit social contiendra ainsi une masse de travail relativement inférieure et donc l’extraction de plus-value sera moins grande par rapport au capital global employé, la limite physique ab-solue de la journée de travail étant donnée. Le taux de profit, comme on disait ci-dessus, est le ressort de l’accumulation et le capital réagit à toutes ses baisses avec des interventions qui toujours se traduisent par des plus grandes forces productives et par des nouvelles méthodes d’extraction de la plus-value relative (= de plus forts rythmes et intensité du travail) qui en accroissent la masse, sans réussir toutefois à en arrêter la tendance à la réduction. Marx définit tout cela comme une “expression propre du mode de production capitaliste, de l’incessant développement de la productivité sociale du travail […] indépendante de n’im-porte quelle répartition de cette plus-value entre les différentes catégories” et donc de réci-proques rapports qui en dérivent.(8) Est vérifiée la loi historique la plus importante du mo-de de production capitaliste: la chute tendancielle du taux de profit (que nous lisons par l’analyse de la production industrielle et la progressive décroissance des taux productifs), montre le caractère transitoire du capitalisme comme mode de production, sa faillite dans la mesure où son autovalorisation (la valorisation du caractère de capital des moyens employés par lui-même) a besoin de destruction.

La nécessité historique du communisme

La nécessité historique du communisme réside en cette impuissance capitaliste à dominer les forces que le développement historique a produit, en les contenant dans le caractère des-tructif de capital. Il s’agit avant tout d’une conclusion déterministe et non volontariste: parce que les bases d’un nouveau mode de production, produites elles-mêmes par son développe-ment dialectique, sont déjà présentes dans le ventre du vieux mode. Mais le passage d’un mode de production à l’autre n’est un acte ni pacifique ni immédiat. Il a besoin, en premier lieu, de l’acte politique révolutionnaire qui permette la démolition violente de la superstructu-re de force et de domination des vieilles classes au pouvoir et, en second lieu, mais non moins fondamental, d’une période plus ou moins longue de dictature de la classe révolutionnai -r e o rganisée comme classe dominante. En effet, pendant la phase impérialiste où la concentration de l’appareil économique et de force capitaliste est la plus grande, est impensable une solution graduelle, pacifique ou évo-lutionniste de la crise, qui se passe de la guerre civile entre le prolétariat et la bourgeoisie in-ternationale. Par la suite, la dictature du prolétariat devra servir soit pour interdire et re-pousser le retour des classes vaincues, soit pour prodiguer l’extension internationale du pro-cessus révolutionnaire, soit enfin pour réaliser dans l’économie des interventions despotiques sur le droit de propriété et les rapports bourgeois de production qui caractérisent la phase de transition au mode de production nouveau et supérieur. Si le communisme n’est pas un idéal ou quelque chose à instaurer de façon volontariste, mais “un mouvement réel qui abolit l’état de choses présentes”, dont les conditions résultent par conséquent des prémisses existantes,(9) il s’ensuit alors que la “volonté” – dans la mesure où elle existe – est volonté seulement de la part du Parti, pendant certaines périodes historiques et dans la mesure où elle agit vers la même direction de la nécessité historique. On ne peut pas faire une révolution sur commandement (une vieille lubie anarchique); mais surtout l’encadrement militaire du prolétariat dans son Parti de classe (distinct et opposé à tous les autres) est une exigence fondamentale, afin que pendant le moment décisif le prolétariat soit en état de vaincre. La conception du rapport classe-Parti dans tout le marxisme est ouverte-ment a n t i d é m o c r a t i q u e: le Parti ne suit pas la classe mais la dirige, et le prolétariat même n’est rien, incapable d’une action historique, sans le Parti. Il n’existe aucun mouvement politique conscient et autonome de la part de la classe proléta-rienne (une vieille lubie spontanéiste): “Ce qui compte n’est pas ce que chaque prolétaire, ou

même tout le prolétariat dans son ensemble, se propose temporairement comme but. Ce qui compte est ce qu’il sera historiquement obligé de faire conformément à son mode d’être. Son but et son action historique sont lui tracés par avance, de façon tangible et irrévocable, dans la situation de son existence et dans toute l’organisation de l’actuelle société bourgeoi-se”.(10) Le terme “être” indique ici, comme toujours dans tous les textes du marxisme, l’ê t r e social – qui détermine la conscience sociale -, puisque la vie des hommes est fondée sur l’existence de rapports sociaux indépendants de leur volonté. Le prolétariat même devra être éduqué par la révolution, qui donc “n’est pas nécessaire seulement parce que la classe domi-nante ne peut pas être abattue en aucune autre façon, mais aussi parce que la classe qui l’abat peut réussir seulement avec une révolution à se libérer de toute la vieille saleté et à devenir capable de fonder la société sur des nouvelles bases”(11). Donc, si le communisme a ses bases dans la dynamique de développement des contradic-tions du capitalisme (é c o n o m i q u e s en dernier ressort, mais étroitement jointes à la matérialité du mécanisme de transmission de la crise, à ses prolongements politiques et militaires et à l’activité dirigeante du Parti en tant que programme historique d’émancipation de la classe prolétarienne), la phase de transition à la société communiste exigera encore l’utilisation de l’État comme l’organe politique de la classe victorieuse et d’un appareillage politique d’in-hibition et de contrôle, à côté des premières formes d’administration collective des masses p r o l é t a r i e n n e s . Le communisme n’est pas un idéal, ni une construction imaginaire qui puisse naître dans la tête d’hommes de bonne volonté, comme il arrivait au contraire avec l’opinion des utopistes (dont les représentants classiques incarnaient, dans leur temps historique, de légitimes as-pirations, posées toutefois sur des bases idéalistes et donc vaines, à une époque dans laquelle la question du dépassement du capitalisme n’était pas encore mûre à cause de l’insuffisance des bases matérielles de son développement). Dans une lettre de 27/1/1886 à E. Pease, Engels écrivait que “nos conceptions sur les diffé-rences entre la future société non capitaliste et l’actuelle société sont des déductions exactes basées sur des faits historiques et sur des processus de développement. Si elles ne sont pas présentées en rapport étroit avec ces faits et ce développement, elles n’ont aucune valeur théorique et pratique”. L’harmonisation entre la production et la distribution que le communisme réalisera à partir de la destruction des rapports d’appropriation capitalistes ne peut que partir des éléments de so-cialisation de l’économie que le capitalisme même a produit. Autrement, chaque tentative de transformation révolutionnaire est destinée à rester une vide pétition de principe. La théo-rie marxiste est une critique scientifique de toute la préhistoire et l’histoire humaine, depuis les anciennes sociétés primitives jusqu’à la n é c e s s a i r e société communiste de demain. Ce ca-ractère de science s’appuie sur le déterminisme historique des conditions matérielles de dé-veloppement de la société. Et il permet à son tour de définir les conditions du passage d’un mode de production inférieur à un mode de production supérieur, ainsi que le tableau géné-ral d’une société qui n’est plus aveuglément subordonnée à des forces économiques qui ap-paraissent extérieures, mais enfin est capable de les compléter et les employer pour le complet

7

et omni-directionnel développement de l’homme entendu comme “homme social”. Le communisme se définit en premier lieu comme négation des caractères anatomiques fonda -mentaux du capitalisme, dont il représente le dépassement (la négation dialectique). Mais du point de vue positif, il représente la société sans classes, dans laquelle la vie et l’économie de l’espèce seront organisées par une administration consciente du rapport parmi les besoins, le plaisir et la nature: une administration qui s’identifie avec un plan organique de l’espèce et non avec un état, organe de classe qui viendra se placer au milieu des ruines de l’histoire. Dans l’anonyme et impersonnelle préparation du Parti d’aujourd’hui pour les tâches de de-main, le communisme est “la déclaration permanente de la révolution, la dictature de classe du prolétariat, comme point de transition nécessaire pour arriver à la suppression des diffé-rences de classes en général, à la suppression de tous les rapports de production sur lesquels elles reposent, à la suppression de toutes les relations sociales qui correspondent à ces rap-ports de production, au bouleversement de toutes les idées qui émanent de ces relations so-c i a l e s . ” ( 1 2 ) C’est ça le sens de notre fonction de “découvreurs dans le lendemain”. Ce n’est pas une illu-soire et métaphysique vision d’un demain imaginaire, comme voudrait la foule de déni-greurs et de “politiciens” de petit calibre tous occupés à courir après le “concret” quotidien en perdant de vue autant la direction du mouvement général que ses reflets sur la situation ac-tuelle. Mais c’est une ferme prévision fondée sur le passé et le présent des faits matériels, qui imposent la société communiste comme une issue du développement historique en cours et comme l’unique alternative scientifique, et donc terriblement réelle, à l’énorme gaspillage d’hommes et de ressources que le capitalisme désormais putrescent immole sur l’autel de sa propre conservation.

1. “Rapport sur les sujets traités dans le IV Chapitre inédit du C a p i t a l de Marx” (Réunion Générale de Florence, 1965), en Recueil des Réunions de Parti, vol. XIV, éd. Le Programme Communiste, p. 75.

2 . Marx-Engels, Manifeste du Parti Communiste (Chapitre “Prolétaires et communistes”), en Marx-Engels, Œuvres complètes, vol. VI, p. 498.

3 . Cf. Marx, “Lettre à Annenkov” (18/12/1846), en K. Marx, Œuvres choisies, pp. 277-78, 285.

4. F. Engels, L’évolution du socialisme de l’utopie à la science, Ed. Riuniti, p. 75.

5. Cf. Marx, VI Chapitre inédit du “Capital”, La Nuova Italia, p. 93, où on fait juste allusion au texte de Bastiat de 1850 La gratuité du credit.

6. Cf. Marx-Engels, Manifeste du Parti Communiste (Chapitre “Bourgeois et prolétaires”), c i t. p. 491-92; et F. Engels, L’évolution du socialisme, c i t., p. 86-88.

7 . Cf. Marx, G r u n d r i s s e, vol. 2, La Nuova Italia, p. 601.

8 . Marx, C a p i t a l, Vol. III, éd. Utet, p.287, 273, 275.

9 . Marx- Engels, L’idéologie allemande, Ed. Riuniti, p. 25.

10 .Marx-Engels, La Sainte Famille, Ed. Riuniti, p. 44.

11. Marx-Engels, L’idéologie allemande, cit., p, 29.

12. Marx, Les luttes de classe en France, (Chap. III), en Marx-Engels, Œuvres complètes.

Parti communiste international

(Internationalist Papers - Cahiers Internationalistes - Il Programma Comunista)

We use cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site web. Certains d’entre eux sont essentiels au fonctionnement du site et d’autres nous aident à améliorer ce site et l’expérience utilisateur (cookies traceurs). Vous pouvez décider vous-même si vous autorisez ou non ces cookies. Merci de noter que, si vous les rejetez, vous risquez de ne pas pouvoir utiliser l’ensemble des fonctionnalités du site.